lundi 30 juin 2014

Malheurs actuels

Peut-être avez-vous eu l'occasion de lire le billet d'humeur de Camille Pascal, l'ancienne plume de Nicolas Sarkozy, publié par Valeurs Actuelles, qui dénonce la totalitarisme cycliste ? Si ce n'est pas le cas, voici le texte en question :

Il s’en est fallu d’un cheveu qu’il ne me renverse. C’est normal, il roulait à contresens, des écouteurs sur les oreilles alors que, ultime privilège du promeneur parisien, je flânais tranquillement, étourdiment peut-être, sur les quais de Seine. Si je n’avais pas tourné la tête au même instant et reculé d’un bond, il me serait certainement difficile d’écrire aujourd’hui cette petite chronique.
Le cycliste m’a effleuré sans s’arrêter, j’ai hurlé de surprise, de peur et de colère, et j’ai reçu en réponse un geste sans équivoque dont je ne retranscrirai pas le sens ici, par respect pour le lecteur.
Hegel confessa un jour avoir vu en Napoléon l’Histoire à cheval, moi ce jour-là j’ai croisé la dictature à vélo. Spectacle glaçant.

En effet, si la bicyclette fut surnommée “la petite reine” il y a un siècle, aujourd’hui le cycliste est roi. Son regard ne ment pas, il vous domine, il vous toise et surtout il vous méprise.
Le cycliste peut être de tous les milieux. Il y a la grande bourgeoise inénarrable juchée sur un magnifique vélo noir hollandais hors de prix, son sac matelassé et griffé jeté négligemment dans le panier placé sur le guidon, elle n’a pas le temps de vous éviter car elle est en grande conversation avec son téléphone. On croise aussi l’étudiant nonchalant et mal assuré qui godille dangereusement entre des voitures dont il raye la carrosserie non sans insulter abondamment leurs conducteurs stupéfaits et impuissants. Il y a le sportif, enfin, sûr de lui et de sa force, moulé dans d’extravagantes combinaisons qui ne laissent absolument rien ignorer de son anatomie et coiffé de casques tout droit sortis de la Guerre des étoiles. Ils ne sont pas du même monde, mais ils appartiennent à la même internationale puissante et redoutable, celle des gens responsables qui sauvent la planète en pédalant et qui ont donc, à ce titre, droit de vie et de mort.

Vous avez beau protester, pauvre piéton, car vous utilisez vous aussi une énergie “propre”, que vous ne polluez pas plus que lui et que vous n’achetez pas, contrairement à lui, à des pays émergents des vélos que l’on ne fabrique presque plus en France.

Peine perdue, le piéton n’est que de la piétaille aux yeux de ces nouveaux chevaliers du bitume, pire peut-être, car celui-ci voit derrière chaque piéton un automobiliste honteux qui rase certainement les murs pour aller récupérer sa voiture. Le cycliste a désormais la préséance et partout il faut lui céder le pas sous peine d’être traité comme un ennemi déclaré de la couche d’ozone.

Le vélo n’est plus un moyen de locomotion, il est désormais un signe identitaire, un choix politique. Hier il était un sport, aujourd’hui il incarne une idéologie totalitaire et en cela il est devenu très dangereux.

Malheureusement, le texte a été victime de nombreux remaniements par la rédaction de Valeurs Actuelles à tel point qu'il ne reflète pas du tout la pensée de Camille. La version publiée est même l'antithèse du texte originel ! Camille ce grand humaniste qui, comme vous l'imaginez bien, est un de mes proches amis s'en est ému sur mon épaule. A tel point qu'il m'a demandé de publier le texte tel qu'il aurait dû paraître afin de remettre un peu de vérité en ce bas monde. Voici donc la seule version qui vaille :

Il s’en est fallu d’un cheveu qu’il ne me renverse. C’est normal, il roulait à contresens, des écouteurs sur les oreilles alors que, ultime privilège du cycliste parisien, je flânais tranquillement, étourdiment peut-être, sur les quais de Seine. Si je n’avais pas tourné la tête au même instant et jeté ma monture à terre, il me serait certainement difficile d’écrire aujourd’hui cette petite chronique.
L'automobiliste m’a effleuré sans s’arrêter, j’ai hurlé de surprise, de peur et de colère, et j’ai reçu en réponse un geste sans équivoque dont je ne retranscrirai pas le sens ici, par respect pour le lecteur.
Hegel confessa un jour avoir vu en Napoléon l’Histoire à cheval, moi ce jour-là j’ai croisé la dictature automobile. Spectacle glaçant.

En effet, si la bicyclette fut surnommée “la petite reine” il y a un siècle, aujourd’hui c'est l'automobiliste qui est roi. Son regard ne ment pas, il vous domine, il vous toise et surtout il vous méprise.
L'automobiliste peut être de tous les milieux. Il y a la grande bourgeoise inénarrable affalée dans un magnifique coupé allemand hors de prix, son sac matelassé et griffé jeté négligemment sur le siège  en cuir du passager, elle n’a pas le temps de vous éviter car elle est en grande conversation avec son téléphone. On croise aussi l’étudiant nonchalant et mal assuré qui godille dangereusement non sans insulter abondamment les cyclistes stupéfaits et impuissants. Il y a le sportif, enfin, sûr de lui et de sa force, les mains gantés, affublé de lunettes tout droit sorties de la Guerre des étoiles. Ils ne sont pas du même monde, mais ils appartiennent à la même internationale puissante et redoutable, celle des gens responsables qui possèdent une automobile et qui ont donc, à ce titre, droit de vie et de mort.

Vous avez beau protester, pauvre cycliste, car vous au moins utilisez, une énergie “propre”, que vous ne polluez pas,  peine perdue, le cycliste et le piéton ne sont que de la chair à bagnole aux yeux de ces décatis chevaliers du bitume.

L'automobiliste a la préséance et partout il faut lui céder le pas sous peine d’être traité comme un ennemi déclaré de la civilisation.
 
Depuis longtemps, l'automobile n’est plus un moyen de locomotion, elle est un signe identitaire, un choix politique. Hier elle était un progrès, aujourd’hui elle incarne une idéologie totalitaire et en cela elle est devenue très dangereuse.

Cette lecture vous permet de comprendre à quel point Camille a été victime d'un complot probablement ourdi par des puissances occultes tapies dans l'ombre de leur base secrète. La Vérité dans sa toute puissance est enfin rétablie et c'est non sans fierté que je me targue d'avoir été son outil.

dimanche 29 juin 2014

A la ville à la mort

Le vélo, la vi(ll)e, la mort, visiblement tout cela est étroitement imbriqué dans l'esprit de l'artiste qui a réalisé cette petite fresque que vous pouvez admirer au 26 de la rue Maillé, à deux pas de l'atelier. Cette vision m'a plongé dans un profond atermoiement, jusqu'à ne plus savoir que faire : rester ou fuir la ville, pédaler, lire ou mourir, mourir en pédalant, pédaler contre la mort ? Encore une fois trop d'introspection, comme le vélo de la fresque ma cervelle prend feu..
Merci à A. pour la photo.


jeudi 26 juin 2014

Chien-chien à son pépère

Hier, en jouant avec le feu, c'est à dire en ne respectant pas les règles d'usage de ma perceuse à colonne, je me suis blessé un doigt. Rien de grave, je me suis épluché un petit bout de phalange. Bien puni par ma bêtise, j'ai juré que je ne m'y reprendrai plus. Si à l'atelier ma petite trousse de secours est relativement bien fournie, il n'en est pas de même à la maison et quand est venu le temps de changer le pansement tout sanguinolent. Je n'ai eu pour alternative que le modèle chiot-girafon-caneton sur fond jaune ou petit singe-éléphanteau sur fond rouge.
Je l'ai encore au doigt ce matin et je le contemple régulièrement avec un étrange mélange de honte (parce que ça fait pas très "pro") et de plaisir enfantin (parce que j'aime bien le "chien-chien"). Quel dilemme, n'est-ce pas ?

samedi 21 juin 2014

Bien charpenté

Comme certains d'entre-vous le savent, nous étions deux à travailler à l'atelier au début. Je vous suggère d'aller voir ce que manigance mon ancien collègue. S'il a changé de métier, il a gardé tout sa méticulosité et son attachement à bien faire les choses.


ps > On n'oublie pas la braderie demain de 11 à 15h !

jeudi 19 juin 2014

Psyclisme

Il ne passe pas d'heure à l'atelier sans qu'une personne ne vienne demander un petit service qui me prendra quelques instants : gonfler un pneu, serrer un écrou, etc. Avec le temps j'ai saisi une petite nuance de langage qui présage de l'état d'esprit de la personne quant à une potentielle rétribution dudit service. Selon qu'elle formule : "Combien je vous dois ?" ou "Est-ce que je vous dois quelque-chose ?", j'arrive souvent à prévoir la réaction qui va découler de ma réponse. Quand je dis, en général, que c'est gratuit, les premier-e-s tendront à émettre quelques objections du genre "tout travail mérite salaire", les seconds esquisseront plutôt un petit sourire de satisfaction, voire de soulagement orné d'un "merci". Cela se vérifie assez souvent pour que je commence à croire que je dispose du potentiel pour être médium.

mardi 17 juin 2014

Curriculum vitae

En mettant de l'ordre dans ma collection d'extracteurs de roue-libre je me suis souvenu qu'on dit souvent que "le bon outil fait le bon ouvrier". Je ne suis pas exactement d'accord avec cet adage qui sous-estime trop l'intelligence, l'expérience et le savoir-faire et qui fait de l'ouvrier une simple extension de l'outil.

En tous cas, si on prête foi à cette maxime je vous présente en image un extrait de mon CV. Même si la collection n'est pas complète, elle se révèle efficace dans près de 95% des cas. Certains extracteurs sont de vraies antiquités et je redoute de les casser parce qu'ils me sont réellement forts utiles au jour le jour et quasiment irremplaçables.

samedi 14 juin 2014

Diabolique

Quant le diable fait du vélo, il prend une forme terrestre mais évite de se fatiguer en pédalant.

mercredi 11 juin 2014

A bâton rompu

Certains indices laissent à penser que la recherche de l'ultra léger touche à sa fin sous sa forme actuelle. La fibre de carbone va rester reine mais sera nettement moins dénaturée par l'industrie chimique. De toute évidence, l'industrie du cycle cherche elle aussi à se "verdir". A titre d'exemple, je vous présente le blocage de selle que s'est offert un client. Simple, naturel, écologique et néanmoins efficace pour des sorties sans embûches, admirez :

mardi 10 juin 2014

Croûtes et krautrock

Il faut avoir un petit vélo dans la tête pour sortir du coma et se demander : "Où est ma bicyclette ?". C'est pourtant le cas de Ralf Hütter le chanteur, claviériste du groupe de musique électronique Kraftwerk. Le groupe est notamment connu pour le single Tour de France.

Là où ça devient intéressant à mon avis, c'est que certains membres du groupe n'en restent pas à l'évocation musicale du vélo et que ce sont réellement des malades de la pédale, pour Ralf "le vélo réalise l'osmose parfaite de l'homme et de la machine". Ils sont des membres émérites du vélo-club de Düsseldorf et n'hésitent pas à refaire des étapes alpestres du Tour. Leur passion ne s'arrête pas là mais j'ai d'autres chats à fouetter et je vous laisse chercher dans les méandres de l'internet.

Alors, un grand bravo à P. qui ce matin a bien mérité sa casquette par son érudition et remporte le petit jeu du week-end !

samedi 7 juin 2014

Bout du tunnel

Tombé dans le coma suite à un accident, il aurait à son réveil posé la question plutôt incongrue pour la situation : "Où est ma bicyclette ?".

Celui ou celle qui me trouve le nom de cette personne plus connue pour son oeuvre phonographique que vélocipédique gagne une casquette ! Comme d'habitude je ne prends que les réponses "en vrai" !

mercredi 4 juin 2014

Braderie

Ceci n'est qu'un aperçu des objets que je vais mettre en vente le dimanche 22 juin. Dans le cadre d'une petite fête du quartier Thiers-Boisnet, je propose une braderie de pièces et accessoires de vélo. Il y aura du "vinetèje" (Shimano, Campa, Stronglight, etc.) mais aussi pas mal de neuf dont je cherche à me débarrasser. Comme il se doit pour une braderie les prix seront au plus bas. A titre d'exemple le pédalier de piste en photo aura un prix aussi fou que la photo est floue, neuf, il passe de 134 à 70 euros.

Rendez-vous le 22 juin à l'atelier de 11h à 15h.


ps > Je ne mets pas de pièces de côté, premier arrivé, premier servi !

lundi 2 juin 2014

Retour sur le futur


Que penser de quelqu'un qui se propose de replacer le vélo dans une histoire des déplacements urbains en Europe couvrant une période allant de 1817 à 2050 ? Si on m'avait posée la question il y a quelques jours, je me serai permis de proposer plusieurs hypothèses quant au résultat : thèse destinée à faire ployer une étagère dans une quelconque université oubliée, compilation autistique de milliers de pages internet, fatras d'anecdotes destinées à satisfaire l'égo d'un écrivaillon en manque de reconnaissance, délire prédictif d'un astrologue monomaniaque ?

Le retour de la bicyclette, n'a heureusement rien de tout cela et force est de constater qu'il réalise la gageure de réussir cette improbable histoire des déplacements.

Frédéric Héran, son auteur, s'en tire avec brio. Ce livre est une réussite à de nombreux points de vues. La naissance de la bicyclette et sa maturation en tant qu'innovation et objet technique y est fort clairement résumée. L'auteur ne fait jamais abstraction du contexte social et culturel. Cette approche riche d'enseignements permet de poser des jalons à l'histoire du vélo : période où elle apparaît aux élites comme un symbole de modernité, appropriation par les classes laborieuses, effondrement de sa pratique et comment elle a été chassée des villes pour l'automobile. Aucun aspect n'est négligé. Le livre explicite aussi très bien le tournant des années 70 qui marque dans certains pays et villes (surtout au nord de l'Europe) la renaissance de la petite reine alors que d'autres comme la France, filent dans le décor et prennent un retard considérable que nous peinons aujourd'hui encore à combler.

En replaçant le vélo dans un contexte de concurrence entre les différents modes de transports, l'auteur fait place nette dans les esprits et évacue toutes les idées reçues et les pseudos bonnes intuitions qui justifieraient la place du vélo dans les diverses pays européens. Surtout, ce contexte de concurrence est une incitation à élaborer des politiques visant à juguler la place de l'automobile (l'auteur parle plus volontiers de "modération") dans nos villes si nous voulons vraiment que le vélo reprenne la place qui lui est due et surtout que la circulation s'apaise.

En même temps, il hiérarchise parfaitement les motivations qui mènent à l'usage du vélo. En opérant ce tri, il donne des clés pour que le vélo gagne à lui de nouveaux publics trop souvent ignorés. Il insiste aussi sur le fait que le vélo comme tout mode de transport a besoin d'un système : pouvoir se déplacer rapidement et en sécurité certes, mais aussi pouvoir se garer facilement, faire entretenir et réparer, que son image et sa pratique soit promus, etc. L'absence d'un de ces maillons fragilise la totalité du système et la pratique du vélo ne décolle pas restant cantonnée à la marge.

Le livre se conclut par un essai de prospective. Cette petite partie me laisse plus dubitative. La place du vélo qui y est avancée me paraît tout à fait envisageable. Mais, je serai moins optimiste que l'auteur qui semble penser qu'une poussée d'aspirations sociales infléchira positivement le verdissement du capitalisme que nous connaissons actuellement et contribuera à une société plus démocratique. Je reste sceptique quant l'avènement de ce genre de progrès sans changement radical de société et de système économique.

Néanmoins, je ne peux que vous inviter à vous procurer cet ouvrage, vous l'aurez compris, c'est à la fois un excellent travail de compréhension du passé en même temps qu'une redoutable boite à outil pour agir et changer le présent et, espérons-le, le futur.

Le retour de la bicyclette, Une histoire des déplacements urbains en Europe de 1817 à 2050, Frédéric Héran, La Découverte, 2014.