lundi 19 septembre 2016

Bon pied, bon œil



En éditant Petite Reine, la Bibliothèque Nationale de France expose une partie du travail du photographe parisien Jules Beau. Ce dernier a saisi, à la toute fin du 19ème siècle et jusqu'à la première guerre mondiale, l'engouement autour de la diffusion de la bicyclette.
Comme il se doit, une bonne partie de son travail est constituée de portraits de champions prenant la pose avec leur monture et parfois accompagnés de leur entraîneur. Les attitudes quelque peu hiératiques suggèrent un départ imminent. Le cyclisme sur piste est alors en pleine explosion et draine une foule difficile à imaginer pour qui traîne de nos jours autour des vélodromes. Jules Beau devait avoir ses entrées et un bon réseau puisqu'il a même pu immortaliser le célèbre « Major » Taylor dans son studio. Ce n'est donc pas innocent qu'il ait été qualifié de "premier reporter sportif de l'histoire".

Ce sont les photos de studio, et par conséquent les plus anciennes, que je trouve les plus plaisantes. Elles dégagent une belle naïveté des débuts de la photographie, quand la technique ne permettait pas encore de saisir des sujets sur le vif. Les mises en scène sont parfois décalées voire franchement cocasses comme cette composition dramatique relatant un accident. Les acteurs/rices ne semblent pas franchement possédé-e-s par leur rôle.

Le livre regorge également de machines plus ou moins improbables qui évoquent la frénésie technique et le champ des possibles ouvert par le vélo dans l'esprit des bricoleurs du dimanche. La palme revient sans conteste à cette chose :
Encore heureux qu'il n'ait pu décoller, j'ai du mal à imaginer un tel objet volant atterrir sur un virage relevé de vélodrome. Beaucoup d'autres engins moins loufoques sont saisis par le photographe. On assiste ainsi à la naissance de la moto et on comprend que le vélo est à l'époque un jalon industriel qui mènera à bien d'autres moyens de transport.

Enfin, le choix opéré par la BNF nous offre quelques tranches de vie qui montrent comment la bicyclette ne s'est pas cantonnée aux seules exploits sportifs : quelques portraits de femmes lors de concours d'élégance ou bien encore des bribes de la vie bourgeoise tels les premiers tours de roue de ce bambin peu enjoué malgré une machine rutilante.
Le livre s'ouvre sur une petite présentation de l'auteur ainsi que par une courte mais juste mise en contexte. Seul bémol, le dérapage en fin d'introduction de l'auteur, Thomas Cazentre, qui se permet un tacle gratuit et aucunement étayé : « Mais aujourd'hui où […] le cyclisme de loisir est parfois moins une nécessité ou un plaisir simple qu'un mode de vie revendiqué, voire un militantisme un peu agressif [...] ». C'est certes un cliché de plus mais je m'en serai volontiers dispensé.

Petite Reine, Fous du vélo, collection L'Œil curieux, BnF Editions, 2016

Aucun commentaire: