jeudi 4 janvier 2018

Tic sans tact



J'ai volontairement modifié et/ou tus certains éléments dans l'histoire suivante afin de préserver l'anonymat de certains protagonistes. Néanmoins pour ce qui concerne les faits et propos rapportés tout est rigoureusement exact.

Il y a quelques jours, la nuit tombe alors que je pédale aux abords du centre-ville. Au loin, sur la piste cyclable séparée de la circulation, je distingue deux silhouettes qui paraissent à genoux. Je ralentis. En m'approchant je vois une femme assise à terre l'air hagard. Une autre personne lui porte assistance. A la vue d'un vélo qui traîne dans les parages, je comprends qu'une chute vient de se produire. La cycliste est consciente mais groggy. Celui qui l'assiste m'explique avoir assisté à la chute : la tête a heurté un des potelets qui bordent la piste. J'entame alors la discussion histoire d'avoir une idée de la conduite à tenir. Très vite certains propos et le flottement dans les réponses me font envisager un traumatisme. Par exemple, l'accidentée ne se souvient pas de son âge. J'appelle donc les pompiers qui dépêchent un véhicule.

En les attendant nous essayons de rassurer la cycliste qui patiente sur la chaussée humide. Je glisse quelques blagues et lui explique qu'il y a longtemps j'ai moi aussi fait une lourde chute à vélo. J'étais presque tombé dans les pommes et personne ne m'avait secouru. Ma théorie étant que les passant-e-s me prenaient pour un pochtron cuvant paisiblement son mauvais vin affalé sur le trottoir. Quelques minutes passent, mon stock d'humour s'épuise et un fourgon rouge arrive précédé ou suivi, je ne sais plus trop, par une voiture de la police. Les pompiers prennent les opérations en mains. L'un d'eux questionne la victime, un autre récolte des informations auprès du témoin et de moi-même. Une civière et une minerve sont approchés. La victime nécessite clairement une prise en charge médicale.

Je commence à me sentir de trop et que de la position d'aidant je vais passer à celle de boulet. Je glisse un dernier encouragement à la malheureuse et salue les pompiers. Alors que j'enfourche mon vélo, un des policier-e-s qui se tenaient jusqu'à présent en retrait s'approche, se glisse entre deux pompiers et d'un ton franc et direct interroge :
-Madame, avez-vous pris des stupéfiants ?

Mi-amusé, mi-agacé un-e de ses collègues qui attend les bras croisés ne peut réprimer :
-Rhaaa, il est lourd avec ça !

Il semble en effet "stupéfiant" de demander à une personne blessée qui peine à se souvenir de son nom et qui n'a aucune idée de ce qu'elle a bien pu faire ces 24 dernières heures, si elle "en" a pris. Une intervention policière peu à propos mais, je ne me permettrais en aucune circonstance de dire à un agent de police qu'il est lourd. Je constate que d'autres ne partagent pas mes scrupules.

Je souhaite à la victime de se remettre promptement de sa chute. Si elle me lit un jour où l'autre, je serai heureux de lui offrir une petite révision de son vélo pour fêter son retour en selle !

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