mardi 17 avril 2018

Mon premier 200

Je publie une contribution d'un cycliste qui vient dimanche de passer de néophyte à impétrant. Que sa carrière soit longue comme ma souffrance sur ce dernier 200.
Dimanche 15 avril 2018 j’ai bouclé mon premier 200.

Je fais partie de ceux qui se sont réveillés « unmatin avec un âge qui commence par un 3 ». Combien de fois adolescent j’ai vu mon père se lever aux aurores le dimanche pour aller faire du sport en me disant dans mon for intérieur de rebelle « JAMAIS ! ». Combien de fois adulescent je me suis moqué de mes glorieux aînés qui quittaient notre estaminet favori avant même le coucher du soleil pour aller trouver le repos avant une sortie matinale, alors que je m’apprêtais à être emporté par une de ces récurrentes fièvres du samedi soir.

Mais voilà, un jour j’ai eu 30 ans. J’ai commencé naturellement à me lever tôt le dimanche. Je voyais jalousement les copains et copines prendre du plaisir à faire du sport durant le jour du seigneur. Et je me suis dit pourquoi pas moi ?

J’ai profité d’arriver à un compte rond pour trouver une idée de cadeau collectif pour papa-maman-compagne-ami·e·s : un beau vélo pour faire du cyclisme, du vrai. J’ai jeté mon dévolu sur un Charge Plug 4, trouvé d’occasion sur les internets. UNE AFFAIRE qu’on m’a dit.

Je me mets à rouler un peu le dimanche avec le fameux « Club des petits vieux ». Et puis de but en blanc on me dit « De toute façon tu fais le 200 cette année. ». Je n’avais visiblement pas le choix. Ça doit faire partie d’un rite initiatique. J’ai dit, oui, sans trop réfléchir.
Je m’équipe comme un petit pro chez mon vélociste favori : des bons pneus pour rouler sur la route et se permettre des escapades en dehors des sentiers battus (yes man roots again!) des pédales et chaussures automatiques pour bien se péter la gueule au cédez-le-passage, une sacoche pour transporter un fructueux pique-nique, des bidons pour s’hydrater, une trousse à outil, etc. Bref, le vélo est prêt. Pour le bonhomme c’est une autre paire de manche. La date approchant je commence sérieusement à me demander si j’arriverai au bout de cette aventure. On me rassure, on me conseille, on m’encourage. Je vais finir par m’en convaincre : j’irai au bout et pis’ c’est tout.

Me voici donc dimanche 15 avril au matin arrivant au vélodrome d’Angers. Là notre petite équipe se forme. Je suis bien entouré puisque notre équipage compte dans ses rangs : le meilleur vélociste de la ville d’Angers, un multiple champion du Poitou (catégorie enfant pré-pubère, pubère, jeune mâle), un kiné, un coach sportif et un informaticien qui a intégré le parcours dans ses moindres détails directement sur sa carte mémoire interne. Un autre comparse, jeune trentenaire comme moi est également de l’aventure. Étrangement nous arborons la même veste, question de génération sans doute. Un p’tit jeune (sans aucun doute le benjamin de l’épreuve) en pignon fixe vient compléter l’équipe. Pendant le brevet un camarade inconnu venu de Naoned se trouvera bien à son aise au sein de notre meute inoffensive et pédalera une grande partie de la journée avec nous.

8h pile nous voilà donc partie avec les quelque 140 personnes inscrites à ce brevet organisé par le RCA. Malgré notre grande discrétion, nous ne passons pas inaperçu dans le peloton. Nous n’étions pas encore sorties d’Angers qu’un monsieur se porte à ma hauteur et me dit « Vous êtes l’équipe de la rue Maillé, je vous ai reconnu tout de suite ! ». C’est sûr entre nos dégaines (comme dans les manifs on aime bien pédaler tout en noir!) et nos vélos (2 en monovitesse, un autre en fixe, aucun vélo en carbone) on était un peu les « vilains petits canards » de la troupe.

Je découvre petit à petit le plaisir de rouler en peloton, même si cela demande une grande concentration. On roule, on roule, on se laisse emmener. On fait des relais derrière un tandem mixte qui nous protège drôlement bien. On les double en montée et ils nous dépassent dans la descente et sur le plat. Tout va pour le mieux.
Pointage  surprise  à 50 kms d’Angers, un collègue m’annonce « On est à 27 de moyenne ». Moi j’avais jamais fait ça, même sur des sorties plus courtes. Je suis étonné de réussir à tenir ce rythme. Mes convictions politiques n’en sont que renforcées : c’est collectivement que nous sommes les plus fort·e·s !

Une crevaison divise notre groupe. Ayant déjà fait plusieurs allers-retours depuis l’arrière je décide de suivre deux compères pour continuer à avancer tranquillement. Je me retrouve en compagnie de mon camarade trentenaire et de notre informaticien maison. Ce dernier est bien décidé à nous mener la vie dure aujourd’hui et malgré des averses qui ralentissent un peu notre progression ceux qui se sont arrêtés pour accompagner la crevaison ne nous reverrons pas avant le premier pointage officiel à La Guerche-de-Bretagne.
Ici nous prenons une première courte pause. Un sandwich avalé vite fait devant l’As des Lots du bled, le partage de sublimes gâteaux énergétiques réalisés par notre sponsor Les Casse-Croûte de Suzy (qu’elle soit ici remerciée une nouvelle fois !), et nous revoilà sur les routes.

Je dois bien avouer que certaine partie de la journée manque à mémoire, alors même que j’écris ces lignes seulement quelques heures après notre retour. Je retiendrais peut-être la présence sur les bas-côtés de chiens qui tenaient plus des poneys shetlands que des caniches à mamies. J’ai peur de beaucoup de choses, mais pas des chiens, ce qui n’est pas le cas de tous mes compères. Certains démarrent des accélérations fulgurantes à la vue des gros toutous, pourtant bien à l’abri derrière leur clôture.

Ce trou de mémoire est sans doute dû à la certaine monotonie d’une partie du parcours. Mais monotonie ne rime pas ici avec ennui. Non, bien au contraire. C’est que ça n’arrête pas de monter, et logiquement de descendre. Comme des petites montagnes russes.
À chaque virage je me demande à quelle distance se trouve la prochaine montée et tente d’analyser au pifomètre les pourcentages qui nous attendent.
Quelques kilomètres après Soudan une côte plus importante que les autres nous coupe le sifflet. Notre groupe qui avait pourtant le verbe haut depuis le départ, est muet comme une carpe. En haut ça rouspète sec, mais ça tient bon. On continue de rouler.

Et on arrive rapidement au deuxième pointage. Il était temps, mes fesses commencent à me renvoyer des sensations très étranges, entre fourmillement et douleurs. Le pointage se fait dans un bar. Le taulier à l’air un peu dépassé, d’autant que nous arrivons tous avec nos bidons à faire remplir. Une affiche 44=BZH me rappelle que la politique est partout. Même dans le bar de Grand-Auverné. Point le temps de disserter avec le tenancier et de présenter mon pedigree de basque qui lui aussi est issu d’un peuple qui souffre de l’oppression d’un État centralisateur. Non, on avale encore un bout de casse-dalle, on boit son Coca, on grignote un petit bout de gâteau énergétique et on repart. Allez il ne reste plus que 70 kms. « C’est comme si on repartait pour une de nos sorties du dimanche » me glisse mon comparse néo-trentenaire.

En termes de météo ce dernier tronçon est beaucoup, beaucoup plus agréable. Il fait même chaud et ça, ça fait plaisir ! Nous continuons à rouler à rythme soutenu et la topographie est toujours la même : ça monte un peu, ça descend un peu, ça monte, ça descend. Je tiens tant bien que mal. Çava passer, ça va passer, résonne dans ma tête. Les noms de bleds commencent à me parler un peu plus. C’est rassurant ! Je passe les dernières kilomètres en chasse-patate derrière notre informaticien qui a survolé l’épreuve et le champion poitevin. Je jette mes dernières forces dans la bataille.

Et me voilà arrivé au Vélodrome. Ça y est j’ai bouclé mon premier 200 ! Reste plus qu’à faire tamponner mon carton. Je rentre dans le préfabriqué qui jouxte la piste. Entre les sandwichs au fromage et les « odeurs d’efforts » des cyclistes déjà là, je suis à deux doigts de tomber dans les pommes. Mais non, je parviens à me faire tamponner et à attraper d’une main ferme un sandwich aux rillettes et une salutaire canette de Coca pour sortir prendre l’air. Déjà notre petit groupe est réuni.

Nous voilà assis au soleil, à manger nos sandwichs et à refaire la journée. Certains se préparent pour des distances plus longues. Pour moi la saison officielle s’arrêtera sur cette distance.
Je dois dire que même si j’étais persuadé de pouvoir terminer cette distance je ne pensais pas finir « aussi bien ». J’étais dans un bon jour comme on dit. Bon quand même les douleurs dans la partie inférieure de mon corps à l’heure où j’écris cette quelques lignes me rappellent quand même que je ne suis sans doute pas encore tout à fait prêt pour m’inscrire sur la Grande Boucle. Même pas sur le circuit Cholet-Pays de la Loire.

Tout ça pour dire que ça a été pour moi vraiment une belle expérience, une belle journée et la partager avec des copains a été la cerise sur le gâteau énergétique !

G.

P.S : Pour les staticien·ne·s on a parcouru les 200 kms en 8h environ (pauses comprises) à une vitesse moyenne de 25 km/h. (note de l’éditeur : 8h35 et 23 km/h est plus juste)

3 commentaires:

ÈRÈLLE a dit…

Z'avez pas eu de vent entre La Guerche et le gd Auverné ?

La Tête dans le Guidon a dit…

Content d'avoir de tes nouvelles tu n'as pas disparu !

Le vent je ne m'ensouviens même pas...

Rita a dit…

Félicitations !
Ça laisse des traces, Ça fait mal au c** mais tout ça dans le bon sens du terme !
Good Job !